Caroline vous emmène

La cohue des marchands qui se pressent sur les quais au petit jour, le regard d’un artiste de rue qui se pose sur vous, la cacophonie des mouettes et la brume qui se dissipe lentement comme pour mieux révéler l’amphithéâtre de collines qui surplombe cette jolie baie. Valparaíso est une rencontre, celle des êtres, des sons, celle d’un photographe et de sa muse, celle d’un peintre et de sa toile. Territoire contrasté, la ville affiche avec ostentation cette dichotomie qui lui est propre. Partout, cette opposition des milieux, des couleurs, des reliefs, des valeurs ; un antagonisme flagrant du moderne et du traditionnel.

C’est le repère des pêcheurs, des poètes et des rêveurs.
Bouillonnante, bariolée, hétéroclite, Valparaíso respire, elle exulte de cette jovialité qui pénètre les pores et transpire des murs. Les couleurs pleuvent sur la ville comme pour dire son existence, revendiquer sa singularité. Elle est profondément marquée par cette volonté d’expression, comme si elle ne pouvait canaliser cette énergie débordante, ce besoin de création irrépressible.
Classée au patrimoine de l’UNESCO, la cité arbore fièrement cet esprit bohème et cosmopolite.

De l’Importance du Port

Située à 115km à l’Ouest de Santiago, Valparaíso s’impose comme le premier port et la seconde agglomération du Chili. Véritable arc-en-ciel urbain, elle est aisément reconnaissable mais beaucoup ignorent l’origine de cette palette grandeur nature. D’abord constituées de briques d’adobe, une mixture à base d’argile, de paille et d’eau, les maisons supportaient mal les aléas climatiques. Soumise aux embruns et aux précipitations, la ville a décidé de tirer parti de sa situation portuaire afin de prémunir ses installations de la rouille en réutilisant les peintures de fond de cale. La vivacité des couleurs tient d’abord à la nécessité de distinguer les bateaux au large. Toutefois, ces tonalités claires permettant de conserver la fraîcheur à l’intérieur des maisons, elles ont rapidement séduit les habitants.

Ses monts escarpés, ses pentes raides et ses innombrables marches donnent à la ville de faux airs de Montmartre. Ou peut-être est-ce cette ambiance étudiante faussement désinvolte, cette ébullition créative, ce penchant artistique immédiatement perceptible ?
La mélancolie du port s’évanouit à mesure que l’on prend un peu de hauteur et cède le pas à l’engouement populaire de la rue. Ici, on se sent pleinement vivant, on se laisse entraîner par le rythme de la rue, on observe, on sent, on écoute.

La ville aux 42 Collines :

On ne visite pas Valparaíso, on la sillonne. On la découvre à chaque ruelle, à chaque escalier. C’est un dédale de couleurs où l’on flâne, on vagabonde. Seul l’instinct doit guider votre exploration, il faut aiguiser votre curiosité et vous laisser porter par vos sens.
Sa topographie si particulière lui confère un charme indéniable : un enchevêtrement de masures où il faut se perdre pour mieux se retrouver. Pas moins de 42 cerros ceinturent la ville et offrent une vue imprenable sur le port. Chacune de ces collines correspond à un quartier défini ; autrement dit, où que vous alliez, il vous faudra descendre ou monter… Peut-être préférerez-vous emprunter l’un des funiculaires toujours en activité ou gravir ces rues pavées à bord d’un ascenseur pittoresque ? Quoi qu’il en soit, rien ne pourra refréner votre soif de découverte tant la ville invite à la contemplation.

Les Cerros Concepción et Alegre se disputent la place de plus belle carte postale et rivalisent de popularité. Outre leurs fresques murales et leurs innombrables points de vue sur le Pacifique, le premier est essentiellement réputé pour ses charmantes églises et son escalier piano tandis que le second mise sur ses petits cafés typiques et ses terrasses ensoleillées.

L’Avenida Alemania, quant à elle, traverse les hauteurs de la ville et offre sans conteste l’un des plus beaux panoramas de la baie. Vous pourrez vous y rendre en empruntant le bus 612, surnommé le « », ou le trolley pour 300 à 400 pesos.

Le Cerro Carcel fut bâti, comme son nom l’indique, sur les ruines d’une ancienne prison réhabilitée en centre d’exposition. Le quartier est notamment fréquenté pour les murales de Cumming Street.

Vous avez le mal des montagnes ou vous souhaitez simplement sentir la douce brise du large sur votre joue ? Vous devriez redescendre vers le port, le plus vieux quartier de la ville. Près de la Plaza Echaurren se trouve le marché, un lieu apprécié des Porteños. Véritable institution, le Liberty est se trouve être le plus vieux bar de la ville et le spécialiste du Pisco Sour ! En longeant les quais, vous devriez aborder le mont Artillera d’où vous pourrez contempler le coucher de soleil, avant de regagner la Playa Ancha. Ca y est, vous êtes conquis par ce petit San Francisco sud-américain ?

Le Parque Italia mérite également le détour. Entouré de galeries d’art, il offre une bulle d’air frais au cœur du tumulte de la ville. Peut-être qu’il vous plaira de prolonger ces minutes d’errance en bord de mer, le long du Paseo Muelle Barón

Le street-art ou l’expression d’une identité propre…

Insaisissable, « Valpo » est un paradoxe qui ne saurait être confiné à un cadre. L’art dépasse l’homme, excède les limites de la ville.
Valparaíso n’est que la pure manifestation de ce qu’en font ses habitants, elle est changeante, versatile, animée, évolutive. C’est une toile vierge qui se pare des couleurs qu’on lui donne. Imprévisible, furtif mais travaillé, l’art de rue a progressivement recouvert les graffiti d’antan. Il embellit les façades, souligne les courbes de la ville, lui donne du cachet et participe à son développement touristique.

La densité des œuvres ainsi que la diversité des sujets abordés participe au patrimoine culturel et historique de la commune. Les pochoirs intriguent, suscitent l’intérêt, véhiculent des messages, appellent à la prise de conscience. Mise en exergue de la faune endémique, prise de position politique, revendication de son identité, on recense des centaines de fresques murales.
Le Cerro Bellavista abrite d’ailleurs un musée à ciel ouvert, accessible depuis la rue Aldunate.
L’implication des habitants est telle que les universités d’art de la ville ont entrepris de recenser ces œuvres et de les mettre en valeur au travers de visites guidées, les Tour4Tips.
Si votre soif de connaissance n’est pas encore épanchée, vous devriez faire un tour du côté du Palacio Baburizza, le musée municipal des beaux-Arts, sur Cerro Alegre.

Valparaíso, la Poétique…

Juchée en haut de la colline Bellavista, surplombant de ses quatre étages la vaste baie, la Sebastiana renferme en son sein les plus grands secrets de Pablo Neruda. Attablé près de la fenêtre, au milieu de la ville qui s’anime, on imagine aisément d’où le poète a tiré son inspiration. Emprunte de nostalgie, la demeure abrite une multitude d’objets de collection amassés au fil du temps et des voyages.

Une Explosion de Saveurs…

Inspirée et inspirante, Valparaíso aime la mixité, les cultures qui s’entrecroisent, les couleurs qui s’entrelacent. Les maisons s’imbriquent sur les collines comme les saveurs se mélangent dans l’assiette. Aussi trouverez-vous de très bons restaurants japonais, péruviens, chinois ou encore indiens aux quatre coins de la ville.

Mais pour bien débuter votre séjour en Amérique latine, il vous faut commencer par le traditionnel empanadas. Ne sentez-vous pas ce petit chausson doré vous appeler de son doux parfum ? Fourré à la viande, au fromage, aux légumes ou aux champignons, il est là, à chaque coin de rue, il attend patiemment qu’on l’emporte avec soi…

Et puisque vous ne pourrez pas crapahuter dans la ville le ventre vide, vous devriez également emporter un completo avec vous. Le hot dog revisité à la chilienne ! Assaisonné à la mayonnaise, recouvert d’avocat et parsemé de choucroute, l’encas porte plutôt bien son nom…

Vous avez entendu ? C’est le rythme de la cumbia qui vous attire irrémédiablement vers ce petit bar à l’angle de la rue… Que diriez-vous de goûter au Terremoto ? Du vin blanc fermenté, de la glace à l’ananas, du Fernet et un soupçon de grenadine, il n’en faut pas plus pour provoquer une véritable secousse sismique dans votre verre. Enfin dans votre pinte car ici on aime voir les choses en grand. Pour la deuxième tournée, pensez à commander une Replica.

La ville regorge de salons de thé et de petits bistrots sympathiques, attablez-vous donc en terrasse le temps de tester la spécialité de Valparaíso : le chorrillana. Avant de regarder la liste des ingrédients, n’oubliez pas qu’il vous faudra des forces pour partir à l’assaut des collines… Mais bon, il n’est pas impossible que le plat se compose essentiellement d’un monticule de frites, d’oignons, d’œufs au plat et de lamelles de bœuf…

Enfin que serait une ville sans son marché ? Camaïeu de couleurs, explosion de saveurs, éveil des sens, le Mercado Cardonal abrite une variété incomparable de fruits et légumes de toutes tailles. Ce sera pour vous l’occasion de goûter aux humitas, un met à base de maïs moulu et d’oignons qui ne manque pas de piment… Une manière de clôturer ce séjour comme vous l’avez commencé : au milieu des couleurs, des senteurs et de l’effervescence de la ville.

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Est-ce que la peinture cache une misère que l’on ignore délibérément ou sublime-t-elle au contraire la singularité de la ville ? Ici, la couleur semble embellir le quotidien et transparaître dans le sourire de ses habitants. Tout ici concorde à faire de Valparaíso  une ville solaire. C’est un entremêlement inextricable de ruelles pavées, de couleurs improbables et de cultures que tout oppose, c’est la modernité au service de la tradition.