Caroline vous raconte…

Paroxysme de la violence ritualisée, du culte du corps et de la valorisation du mythe, le sumo est un art ancestral qui traverse les siècles sans jamais fléchir.

Bien que cette tradition existe depuis des centaines d’années, le sumo jouit toujours d’une certaine prestance au Pays du Soleil levant et suscite l’engouement populaire. Les rikishi, les lutteurs professionnels, sont vénérés. Les Japonais les admirent, les idolâtrent et les portent sur un piédestal.
Tradition millénaire, le sumo naquit il y a plus de 1 500 ans. Il faudra toutefois attendre 712 avec la parution du Kojiki pour que soient relatés les exploits des lutteurs.

Bien qu’en Français, l’on tende à employer le terme sumo pour désigner un rikishi, ce terme signifie en réalité « se frapper mutuellement ». Le sumotori est, quant à lui, un rikishi débutant.

 

La lutte :

A l’instar des sports de lutte, le sumo se pratique sur une plate-forme circulaire. A cette différence près que le dohyô s’étend sur 4,55m de diamètre et se constitue de terre tassée, délimitée par des ballots de paille. Les rikishi recourent à leur force brute et à leur maîtrise des gestes afin de remporter la victoire. Le combat s’achève lorsque l’un des deux combattants est poussé hors du cercle ou si une partie du corps, autre que la plante des pieds, touche le sol.

Si les règles semblent a priori simples, la technique s’avère plus complexe et l’ensemble des prises fait l’objet d’un recensement minutieux : on en comptabilise 82 en tout et pour tout.

Le combat en lui-même ne dure pas plus de quelques secondes en règle générale. Il arrive cependant que certains lutteurs parviennent à faire durer l’épreuve trois à quatre minutes.

 

Un art de vivre :

Le sumotori doit se soumettre à un entrainement quotidien et bien que la sieste soit de rigueur, la vie de sumo n’est pas de tout repos…

La journée débute à l’aube par un exercice musculaire qui s’étend sur trois heures. Chaque jour, il se doit d’ingurgiter des quantités faramineuses de nourriture. Son apport calorique se voit réparti sur deux repas, l’un à midi, le second vers 20h. Notez qu’un sumotori digne de ce nom ne peut pas manger n’importe quoi, il se doit de consommer le Chankonabe : traditionnel ragoût à base de viande, de légumes et de féculents, riche en protéines donc… Il achève son repas par une petite sieste afin de ne solliciter aucun effort et d’accumuler les graisses plus facilement. Au total, ce sont 8 000 à 10 000 calories qui sont englouties quotidiennement.

Aussi, les lutteurs de première division font en moyenne 1m85 pour 160kg. Bien évidemment, certains sumotoris n’atteignent pas cette corpulence et ne parviennent pas à franchir la barre des 100kg. Contrairement au judo ou à la lutte, il n’existe pas de catégorie de poids dans les tournois de sumo, mieux vaut tomber sur un adversaire à sa taille (littéralement…).

La vie entière d’un lutteur de sumo est régie par des règles strictes et chacun se doit de respecter la hiérarchie. C’est cette rigueur et cette discipline qui forcent le respect et contribuent à sacraliser le sport. La lutte sumo est d’ailleurs revendiquée comme art national : kokugi.

Le rituel :

Bien plus que le combat en lui-même, c’est le rituel qui le précède qui importe. Les sumotoris se présentent et s’adonnent à une série de gestes cérémonieux. Ils se jaugent, se claquent les cuisses et adoptent des postures destinées à impressionner l’adversaire. Cette mise en scène n’est rien d’autre qu’une démonstration de force, une exacerbation de la virilité.

Aussi, les lutteurs commencent par lever les jambes afin de frapper le sol du pied, c’est ce que l’on appelle communément le shiko, une pratique destinée à chasser les esprits. Ils jettent ensuite une poignée de sel sur le dohyô afin de le purifier, c’est l’étape du kiyome no shio. Enfin, ils s’abreuvent de l’eau de force et la recrachent avec ostentation. Une fois ces gestes accomplis, les adversaires peuvent se livrer au combat. Il arrive bien souvent que le rituel lui-même prenne plus de temps que la lutte.

L’apparat :

Outre son imposante carrure, le rikishi est facilement reconnaissable à son costume. Il se présente sur le dohyô uniquement vêtu d’un mawashi : une bande de tissu longue de six mètres, nouée autour de la taille et de l’entrejambe. Généralement faite de coton épais, sa couleur distingue les lutteurs amateurs des professionnels. Les débutants portent du blanc ou du gris tandis que les sekitori, les lutteurs de première et seconde divisions, revêtent un mawashi de soie aux couleurs vives.

Cela ne vous a sans doute pas échappé, les sumotoris laissent pousser leurs cheveux et les nouent en un chignon appelé chonmage. Les sekitori, quant à eux, se coiffent d’un chignon plus élaboré, semblable à la feuille de ginkgo : le ôichô.
Le chonmage revêt une dimension symbolique, c’est un signe distinctif qui exacerbe le mythe et renforce l’idolâtrie. Sa coupe marque le départ à la retraite du lutteur de sumo. Toutes les personnes ayant contribué au succès de ce dernier ainsi que les dignitaires se voient délivrés une mèche de cheveux du rikishi, la dernière revenant à son entraîneur.